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Mai 23

Café Réflexions #43 – William-Nicolas Tanguay

William-Nicolas Tanguay
Travailleur autonome en art de la scène, Etudiant de premier cycle en Anthropologie linguistique. Directeur artistique à ses heures.

« Moi, je suis tanné.
Aux habitudes furibondes, je n’ai crainte de vous accabler de moult marasmes.
De fait, faire l’olibrius depuis tout jeune, m’endurcir à la pierre jetée eu-je quotidiennement. Taraudé,
il m’a toujours été difficile de me buter au ridicule. Et en ce jour, je ne ferai point l’exception, car bien
que vous puissiez m’accuser de faire le bravache, et de me repaître de vaines esbroufes, je n’aurai que
d’autre choix que de vous tendre au nez mes parures prostrées et de leur constat qu’aujourd’hui il n’y
a nulle absence pour la nouveauté.

Oui, absence, car en 2023 il y a trop de choses, eu trop de bévues. En réalité trop peu d’espace pour le
brillant, l’ingénieux. On n’essaie plus du tout, enfin peu. Avec l’inondation que l’on retrouve sur
TikTok et autres, on se contente d’être sot en répétant de manière absurde la formule prescrite et
l’éphémère tendance de l’instant.
Si ce n’était que cela; on y mange des pods imaginez-vous, ou l’on fait congeler nos excréments pour
les rendre utiles, devenir un jouet aux formes patriarcales (l’iceberg challenge), eh non phalliques…

Pardonnez ma maladresse…

Ou l’on essaie trop, on tente de faire émerger le sens du non-sens, l’ordre du désordre, l’harmonie du
chaos… Je vous avoue n’y voir plus clair.
Bref, peut-être qu’en cherchant l’innovation on finit par le perdre. Et si vous étiez confus quant à la
prémisse de ce texte, je vous la partage expressément, car je voulais traiter de l’innovation. Essayer
d’innover, c’est peut-être la première bourde que l’on pose. Faire ce qui est curieux, plutôt que de
vouloir à tout prix le chercher. Les plus grands accidents sont souvent remplis de merveilles, opposé
aujourd’hui au culte de la répétition et de l’imbécilité virtuelle, qu’on s’esquive de rafler le fameux*
et qu’on s’adonne plutôt à ce qui fait l’enjaillement de tous et chacun. Méprenez-vous, je ne me
considère pas plus aiguisé qu’un autre, je me suis sûrement trop affecté à rencontrer l’innovation. À
douze ans j’ai appris ce fameux adage populaire, qui à deux fois cet âge, me sert toujours avec
fidélité; quand on doit trop le forcer, il se peut que cela soit de la marde, signée la société québécoise.

Chaque ère a son dogme idéologique, et enracine les tenants de ce qui est qualifié d’innovant; on
agrafe d’un postiche certains se voulant savants et surprenamment si vite obsolètes. On crache sur,
tapis dans l’ombre, ceux que la dépréciation a d’égale le mépris et qui des siècles plus tard sont encore
vivaces, perceptibles dans la langue des échos des dédales mondains.

Bah ! Assurément que vous me direz à quoi bon un artiste ? De toute façon, son utilité est beaucoup
trop obscure pour être valable. Transcendantale. Au moins, à l’ère du Covid, il est parvenu à rafler les
croûtes d’un acharnement vorace; parvient à être encore lu, vu malgré tout. Identité, particularisme,
culture d’une nation… Innovation ? Tout cela ne vous dit rien ? Soit, que l’on s’en passe. Mon petit
clin d’œil à la Covid, moi, je ne l’ai encore que bien peu digéré.

Suis-je déjà devenu aigri, vétuste de mon art. Bof, je vous dirais que je préfère être optimiste en me
disant que ma vue est bonne, au pire me faire rigoler d’une vision altérée de mes coquines illusions,
que de me rendre à l’évidence, peut-être, que nous devons nous réjouir du grotesque et avoir la foi et
qu’un jour l’innovation cognera à votre porte et résoudra toutes les causes de mes tourments.
C’est peut-être en cherchant ce qui est incongru supposément non-curieux, que se cache à même-là, la
clef de l’innovation et le bonheur non excusé. »

 

Instagram : @tanguawi

Crédit photo : Josee Houle