Inspirée de sa participation à la dernière édition de Compagnonnage de la compagnie Le Carré des Lombes, la chorégraphe-interprète Marie-Eve Quilicot nous livre cette semaine une réflexion sentie et pleine de sagesse sur le passage du temps et son impact sur la vie des artistes de scène.
Danser mon âge
Durant Compagnonnage, projet du Carré des Lombes, Danièle m’a demandé si à mon avis je dansais mon âge. Nous étions en studio et improvisions sans chercher. De but en blanc j’ai répondu oui, fière. Sa question et surtout ma réaction m’ont par la suite fait réfléchir. Sans le savoir, elle venait de mettre en mot une impression qui me rampait lentement dessus depuis quelques temps. J’ai soufflé mes 41 bougies cette année et je suis mère de 2 merveilleux garçons. Deux aspects de ma vie qui à mes yeux sont des valeurs ajoutées à mes qualités d’artiste de la scène, les grossesses et l’âge ont modifié mon corps, affecté mon énergie et teinté ma créativité mais pas forcément dans le sens négatif (comme malheureusement plusieurs s’imaginent). Alors pourquoi est-ce que j’ai si souvent l’impression que ces mêmes facteurs sont perçus comme des éléments qui précipitent ma date de péremption comme danseuse professionnelle?
J’évolue dans un milieu basé sur la virtuosité et la jeunesse, j’ai de la chance, je m’en sors encore bien; je camoufle bien mon âge. J’ai une discipline de fer en studio et dans ma vie pour être au sommet de ma forme, mes bobos cumulés avec l’expérience se tiennent encore tranquilles, ma petite taille et mes traits enfantins me permettent de rester dans la «game». N’empêche qu’une partie de moi commence à ne plus avoir envie de se compromettre. Mettre de côté pour de bon la cheerleader de 40 ans. Est-ce que ça veut dire moins de contrats? Oui probablement, tant pis. J’arrive à un moment pivot, celui où j’ai envie que ma carrière soit syntone avec là où j’en suis dans ma vie. Le VOULOIR qui prend le dessus sur le POUVOIR. La danseuse de 20 ans que j’étais serait bien d’accord.
📷 David Ayotte